Les 25 années qui viennent de s’écouler ont été extraordinaires pour Archive, avec la publication de 12 albums studio contenant d’inventifs changements de sonorités, de visions et de personnel qui ont permis à sa musique de rester fraîche, dynamique et captivante. Pour fêter cet anniversaire, Archive publie 25, un luxueux coffret présentant 43 titres répartis sur six disques vinyles (ou quatre CD), dont huit nouvelles compositions, notamment le premier single extrait, « Remains Of Nothing », une collaboration avec le groupe de Southampton Band Of Skulls. Le coffret vinyle comprend également un EP 25 cm et un single exclusif (une collaboration avec Steve Mason, ex-Beta Band), plus un livret de 160 pages d’interviews récentes avec les membres actuels et passés du groupe, et des photos provenant des collections privées d’Archive.

Depuis sa formation à Croydon, dans le Sud de Londres en 1994, Archive s’est avéré maîtriser parfaitement son propre destin, évitant les modes dominantes pour offrir un mélange musical unique et bien à lui. Les membres fondateurs, Darius Keeler et Danny Griffiths, qui avaient précédemment travaillé ensemble dans un groupe pionnier de la drum & bass, Genaside II, ont unis leurs forces avec le rappeur du Sud de Londres Rosko John et la chanteuse d’origine Iranienne Roya Arab pour publier en 1996 un premier album teinté de trip-hop et acclamé par la critique, Londinium.

Le suivant, en 1999, Take My Head, a vu un changement de personnel et un virage musical en direction d’un son plus soul et énergique. La chanteuse du Sud de Londres Suzanne Wooder a remplacé Roya Arab pour l’album qui comprenait « You Make Me Feel », l’un des titres les plus populaires d’Archive jusqu’à aujourd’hui.

En 2002, pour la sortie de son troisième album, You All Look The Same To Me, la formation avait encore évolué ; Wooder avait été remplacé par le Dublinois Craig Walker, et la musique avait élargi ses horizons, avec l’apparition de traits cinématographiques et progressifs : comme s’en souvient Keeler, « Nous sommes devenus de plus en plus confiants et ambitieux. » La preuve en est le premier des titres épiques d’Archive s’étalant sur une face entière, « Again », un morceau de 16 minutes qui, malgré sa longueur, a fait connaître Archive sur les radios européennes.

Dès ses débuts, Archive avait décollé en France, faisant la couverture de la bible mensuelle du rock, Les Inrockuptibles, à la sortie de son deuxième album. Après avoir joué à guichets fermés deux soirs de suite sur la scène du prestigieux Elysée Montmartre de Paris et signé avec Warner France, Archive avait vu le célèbre réalisateur Luc Besson lui commander l’écriture de la musique de son film Michel Vaillant, un drame se déroulant sur fond de course des 24 heures du Mans.

Un an plus tard, en 2004, le quatrième album studio, Noise – qui voyait l’arrivée des guitares au premier plan du mix – a fait d’Archive des superstars dans toute l’Europe. Pourtant, alors même que l’ascension du groupe s’accélérait, il allait connaître de nouveaux changements de personnel avec le départ de Craig Walker - Keeler et Griffiths décidant alors d’abandonner l’idée d’un chanteur unique en faveur de l’utilisation de plusieurs voix et d’une approche collective plus flexible pour aller de l’avant.

Trois nouveaux chanteurs ont donc été recrutés à la suite du départ de Walker ; Dave Pen, Maria Q et Pollard Bernier sont rapidement montés à bord l’un après l’autre, et se sont tous retrouvés sur l’album paru en 2006, Lights.

2009 a vu la sortie du diptyque conceptuel constitué par Controlling Crowds I-III et Controlling Crowds: Part IV, ce dernier ayant été publié car les musiciens ont réalisé qu’ils avaient trop de bons morceaux pour un seul album. « C’était notre réponse à l’état du monde, » dit Bernier, mentionnant la guerre en Irak, les révolutions technologiques et les réseaux sociaux comme inspirations pour Controlling Crowds.

Controlling Crowds I-III comprenait le titre « Bullets », une autre des chansons les plus aimées d’Archive, et une preuve de la nature de plus en plus sociopolitique des textes du groupe. « C’était notre protest album ! » dit Keeler « et aussi notre plus ambitieux, d’une certaine façon. »

With Us Until You’re Dead, le huitième album studio d’Archive, est sorti en 2012 et a vu l’introduction dans le collectif de la chanteuse née à Sydney Holly Martin. Les textes sombres et puissants de Holly, particulièrement mis en évidence sur le single « Violently », l’ont rapidement rendue populaire auprès des fans d’Archive. With Us Until You’re Dead était aussi le premier album du groupe à être publié au Royaume-Uni depuis 2002 et You All Look The Same To Me, Archive lançant son propre label, Dangervisit, une joint venture avec le distributeur Play It Again Sam [PIAS] en 2012. Keeler remarquait à l’époque, « C’est super d’être un grand groupe partout en Europe, et on apprécie ça à sa juste valeur, mais on Anglais, et on veut avoir du succès ici aussi. »

D’autres albums d’Archive parus au cours de cette décennie ont été marqués par des ambiances soul, frissonnantes et ensorcelantes : des voix et des beats multiples y rivalisaient entre eux pour offrir un impact maximal, aux côtés de superbes couches de claviers et de guitares. Axiom (2014) était la bande-son de leur propre film basé sur une dystopie, projeté cette année-là en avant-première au London Sundance Film Festival ; Restriction (2015) reprenait l’angle des « chansons d’amour tordues » de With Us Until You’re Dead mais sur des musiques plus effilées et tranchantes, et comprenait notamment trois singles sortis simultanément le même jour.

Plus récemment, The False Foundation (2016) était une œuvre sombrement prémonitoire, construite autour d’un thème sous-jacent de « cultes, faux prophètes et communautés bâties sur du sable, » selon Pen. Musicalement, l’album représentait un retour à un son analogique plus brut.

La tournée qui a accompagné The False Foundation a été la plus ambitieuse d’Archive. Elle a vu le groupe jouer à l’intérieur d’un cube géant de projections d’images, devant des salles combles dans toute l’Europe. Comme le dit Keeler, « Je pense que c’étaient nos shows les plus impressionnants visuellement à ce jour. Je pense qu’on a vraiment bien recréé les ambiances surnaturelles et les sensations menaçantes de The False Foundation, les fans semblaient réellement scotchés par ce spectacle. »

Et nous voici en 2019, avec cette rétrospective, 25 ; autant que l’occasion de faire le point sur le parcours du groupe jusqu’à aujourd’hui, Keeler voit aussi le projet comme une opportunité de poursuivre le processus, en renforçant le concept de changement et de collaboration. Selon Keeler, « ça a été une grande chance de collaborer avec de nouvelles personnes, je pense que le morceau avec Band Of Skulls (« Remains Of Nothing ») est l’une des meilleures choses que nous ayons jamais faites, et travailler avec Steve Mason a aussi été un réel honneur. »

« Remains Of Nothing » a en effet été coécrit et chanté avec Emma Richardson et Russell Marsden, du groupe de Southampton, Band Of Skulls, tandis que « Lightning Love » est une aventure partagée avec l’ex-membre du Beta Band Steve Mason. 25 voit aussi l’apparition de la chanteuse galloise Lisa Mottram (alias Cherryshoes pour sa carrière solo) dans le collectif Archive, qui continue d’avancer.

Pendant 25 ans, Archive a fait un voyage incroyable : musical, spirituel et émotionnel. Selon Griffiths, « Il est difficile de comprendre comment nous avons pu rester ensemble tout ce temps, mais c’est remarquable, ça dure depuis plus longtemps que la plupart des mariages ! Je pense que c’est parce que Darius et moi nous défions constamment l’un l’autre, qu’il y a un respect mutuel et une compréhension de là où nous voulons aller, et de ce que nous voulons expérimenter émotionnellement. »

De son côté, Keeler déclare, « Je suis vraiment fier du travail que nous avons accompli collectivement pendant toutes ces années, et je suis impatient de le fêter en 2019. Le plus important, c’est vraiment la musique ! »