Si c'est la bombe de peinture qui a amené le C.SEN au hip-hop, c'est par la plume qu'il continue aujourd'hui d'exprimer, répandre, peaufiner son art et sa vision du beau. Graffeur passionné, ses fréquentations du 18ème arrondissement l'ont confirmé dans cette direction, de ses premiers freestyles tumultueux à ses derniers clips.

Après avoir officié au sein du collectif 75018 Beatstreet au milieu des années 2000s le temps de deux projets, il s'est lancé dans un premier effort solo en 2010. Les "Correspondances" ont trouvé une voie, une voix portée par l'amour, les désirs de voyage, les tiraillements entre l'attachement et la lassitude de la ville, les femmes et les passions dévorantes. Ses cordes vocales mi-citron mi-grain de café se sont accordées à une écriture précise qui dépeint un environnement avec réalisme.

Son deuxième travail d'écriture solo est paru en 2012. " Le Tunnel" en clin d'œil à ses heures interminables consacrées à peindre les wagons et arpenter les rails, c'est un condensé de prises de risques, d'humeurs du quotidien, de sentiments humains et
arrangements sonores, il n'ouvre son opus qu'aux proches (Nasme, Gueule d'Ange, Dino et Dar.C) pour compléter sa toile.

Partagé entre le Brésil et la France depuis la fin des 2000s, C.SEN n'a jamais cessé d'améliorer sa calligraphie et sa poésie. Découpant les semestres entre l'Hexagone et sa terre d'adoption, il a pour habitude de retrouver son fils et ses amis artistes, il a depuis partagé des scènes avec, entre autres, Seu Jorge et Criolo lorsqu'il se rend à Rio De Janeiro. Toujours dans l'optique de "transformer le sale en beau", il s'entraine, écrit, chante avec discrétion et détermination.

C'est le 13 Avril 2018 que son troisième album voit le jour, intitulé "Vertiges". Il faut remonter à un soir de 1999, où, pendant une session graffiti à Porte de Gentilly, au 9ème étage d'un immeuble, C.SEN est soudainement incapable de rejoindre ses potes sur une passerelle étroite, suspendue dans le néant. Une peur du vide nouvelle pour un habitué des toits, qui réalise le lendemain ce qui vient de se passer : il vient d'attraper le vertige.
Plus proche du frisson que de la peur, cette curieuse sensation l'excite, puis l'incite à y retourner. Dans l'entêtement de vaincre le danger et le(s) vertige(s), il réalisera son graff le jour suivant.

Fruit d'une itinérance entre deux continents et d'un goût pour l'éclectisme musical assumé, C.SEN a décidé de réaliser cet opus avec un seul beatmaker, Keno, jeune producteur, pour lier les chansons d'une pleine cohérence et donne une couleur unique à sa musique. C'est d'ailleurs cette rencontre, véritable "claque musicale" pour C.SEN, qui a donné l'impulsion essentielle à la création de cet album, obligeant le rappeur à s'adapter et à se réinventer.

Elégance et personnalité sont les maîtres mots qui en découlent. Le choix d'illustrer les chansons à travers des vidéos lyrics plutôt que des clips souligne cette volonté de mettre l'accent sur la dimension esthétique du projet et de donner au texte une place centrale. Réalisées par le duo Paul et Martin, ces vidéos dévoilent le phrasé du C.SEN en cristallisant la beauté du propos et offrent à chacune des chansons un écrin racé et hypnotique.

Avec des textes aussi denses qu'à l'accoutumée et des prods plus rondes et chaleureuses, le C.SEN offre un visage plus détendu et pince-sans-rire, évoquant avec soin sa référence Clara Nunes, punchlinant aisément "hash-tag, partage, j'ai connu ça bien avant le web" ou rigolant de la société "flippante comme une photo de kebab" ! Il "voyage comme s'il faisait 1000 dates par an", ne s'interdisant aucune thématique ; il prend le temps de revenir sur son amour pour une "panthère" indomptable, ou de dénoncer "l'Etat d'urgence, un fumigène". Ses invités (JP Manova, Grems, Dar.C, Georgio) sont tous des plumes aguerries venues compléter une fresque fringante.

C.SEN écrit le beau et dessine le vrai. Tout au long de l’album, les 5 sens sont en éveil car le duo inattendu C.SEN / Keno nous offre des plages sonores hypnotiques et des punchlines définitives. Celles-ci servent autant l'ambition du verbe que la précision du flow, imposant définitivement C.SEN comme une voix à suivre et une plume à écouter.