Dans Love Matters !, le nouvel album de Jowee Omicil, il y a des rythmes africains, des mélodies de Bach et de Mozart, des échos de Thelonious Monk, une berceuse vénézuélienne, de la chanson martiniquaise, des parfums d’Orient et même d’Asie, le souvenir d’un Anglais à New York, du rara haïtien, des beats jamaïcains, des éclats de funk à la Miles Davis, l’extase du gospel, et bien sûr des exclamations de « BasH ! » omicilien, sans oublier une verve de rappeur. Le tout fort bien mélangé. On pourrait penser que cette musique ne ressemble à rien, parce qu’elle englobe tant de choses. Mais elle ressemble tout simplement à Jowee Omicil, dont ce nouveau disque sonne comme un autoportrait en mouvement. Comment pourrait-il en être autrement, venant d’un homme qui semble animé par la gourmandise de la découverte ?
Jowee Omicil parle plein de langues et joue autant d’instruments - avec une prédilection pour le saxophone. Fils d’émigrés haïtiens, il a grandi à Montréal. Il a commencé le saxophone dans l’église de son père pasteur, avant de l’étudier au Berklee College Of Music de Boston, puis d’aller vivre à New York pour y lancer sa carrière musicale - et à l’occasion converser avec Ornette Coleman ou accompagner Roy Hargrove dans son groupe RH Factor. Il a ensuite séjourné à Haïti, au Venezuela et, depuis une paire d’années et sa signature avec le label Jazz Village, s’est posé à Paris. Même si « posé » n’est pas exactement le mot qui lui convient. Pour retracer précisément le parcours de Jowee Omicil, il aurait fallu l’équiper d’un GPS.

Mais tout cela – il y a trente ans, dix ans, un mois ou deux heures – c’est de l’histoire ancienne. Ce qui compte, c’est l’amour. Love Matters ! Le moment présent, l’épiphanie, la magie de l’instant partagé, le corps en sueur et l’esprit en extase qui attestent du travail bien fait. Les quinze morceaux de Love Matters ! sont issus des mêmes sessions d’enregistrement que Let’s BasH !,

l’album qui l’an dernier a révélé Jowee Omicil au public français. Dernière semaine d’octobre 2015, au studio La Buissonne près d’Avignon. Ça se passe souvent à l’heure où les autres vont se coucher, quand la pleine lune monte dans le ciel. Les musiciens sont tous dans la même pièce, en cercle. Certains sont originaires des Caraïbes, d’autres de France, d’autres d’Afrique ou encore du Canada. Chacun apporte sa part à une musique qui au final les dépasse tous. Jowee Omicil butine d’un instrument à l’autre (saxophones, clarinette, cornet, flûte, piano Rhodes) et présente ses compositions sur lesquelles les musiciens improvisent. Ça s’appelle du jazz, du jazz d’aujourd’hui. Une musique joyeuse, généreuse, que sa longue histoire n’empêche jamais ni d’avancer ni de vivre. C’est comme ça que Jowee Omicil la pense, et comme ça qu’il la joue. Comme ça aussi que l’ont reçue les nombreux spectateurs qui l’ont vu sur scène en 2017 – que ce soit en France, en Afrique ou dans les Caraïbes, dans des petites salles ou des gros festivals. En 2017, Jowee a joué avec Tony Allen et BCUC, ce sont des moments qu’il n’oubliera jamais. Il aura joué en privé dans le petit appartement new-yorkais de son ami cubain et batteur Francesco Mela, et il ne s’en est toujours pas remis. Il aura offert au public des moments de surprises, de coolitude et de complétude. Un « refill » d’énergie positive, un peu comme à l’église, où tout a commencé pour lui, et où Love Matters ! se conclut. Sur disque comme à la scène, le volubile Jowee est un « entertainer » amoureux des mélodies, du groove et de la musique populaire, quelle que soit l’étiquette qu’on voudrait lui coller – pas la peine d’essayer, elle ne tiendra pas. Pour choisir les morceaux de Love Matters !, il s’est laissé ramener en Haïti, sa langue, ses rythmes de carnaval, ses racines. Puis il a élargi le cercle vers les Caraïbes et leur héritage africain. Puis le jazz, la pop, les compositeurs classiques, et la boucle est bouclée. Je ne suis pas compliqué, j’essaie juste de faire la musique comme je l’entends, une musique qui n’est pas facile à jouer, mais simple à écouter.