On le sait car on nous l’a souvent répété et même fredonné : les histoires d’amour finissent mal en général. Mais elles inspirent aussi des films et des chansons qui ne cessent d’attiser ou tourmenter notre imaginaire, dès lors qu’un heureux hasard les a placés sur notre chemin. A l’image des titres qui composent le tout premier album du NOISEUR : Du bout des lèvres.
Derrière ce nom mystérieux se cache Simon Campocasso. Un garçon qui aime depuis toujours la musique avant qu’une rupture – amour quand tu nous tiens… même quand tu t’en vas ! – ne lui fasse enfin franchir un pas décisif. Le premier pas. Pas le plus évident mais celui qui ouvre grand le champ des possibles. Celui qui permet à un rêve d’enfant de devenir une réalité d’adulte.
Car c’est encore adolescent que LE NOISEUR a plongé dans la musique sans jamais vouloir depuis retrouver la terre ferme. Au départ attiré par le rap, il commence à écrire des textes sur des musiques préexistantes avant que l’envie naisse de composer les siennes. Et peu à peu, il va délaisser les mots pour les notes. Le temps d’assumer son envie d’être chanteur. Le temps, quelques années plus tard, d’écrire et de composer sa première vraie chanson. Le temps de poursuivre, porté par l’enthousiasme de ses proches, dans cette voie tout sauf sans issue.
Ainsi débute l’histoire de ce premier album né, donc, d’une rupture amoureuse. Et dont les mots des différentes chansons nous caressent d’autant plus qu’ils sont précisément nés de gifles. « Au départ de Du bout des lèvres, il y a cette idée de raconter une histoire d’amour de la manière la plus intime possible. Pour qu’il n’y ait aucune frontière entre celui que je suis et ce disque. Et qu’en l’écoutant, les gens plongent dans mon intimité. »
L’écriture entamée en 2009 s’est étalée sur trois ans. Et l’on écoute ce premier album comme on découvrirait un premier long métrage. Le garçon est cinéphile et cela s’entend. D’ailleurs, Du bout des lèvres s’ouvre et se termine par un générique : Au début et A la fin. Au terme des premières notes envoûtantes d’Au début, surgit même un dialogue de film qu’on pourrait croire spécialement écrit pour l’occasion. Un face- à- face entre Stanislas Merhar et Lola Creton- où il est question de timidité et de résistance comme qualités principales respectives des hommes et des femmes - imaginé par Valérie Mrejen dans son premier film, En ville.
Oui, LE NOISEUR aime le cinéma. Mais n’attendez pas à le retrouver scotché au rayon blockbusters. Son truc à lui, ce sont ces pépites discrètes qu’on déniche avant de les partager avec les gens qu’on aime comme on offrirait le plus précieux des joyaux. Des films qui viennent d’Islande (Noi Albinoi de Dagur Kari), de Norvège (Reprise et Oslo 31 août de Joachim Trier) ou de Corée du Sud (Locataires de Kim Ki- Duk). Des films qui ont un point commun : leur atmosphère envoûtante.
Atmosphère. Oui, son album a une gueule d’atmosphères. On ferme les paupières et soudain une série de courts métrages défile sous nos yeux. Désespérés, cruels, émouvants, heureux ou agités : ne secouez pas trop LE NOISEUR, il est tout à la fois plein de larmes, de rage et d’amour. Mais ouvrez les oreilles et vous entendrez des effluves de Biolay et de Daniel Darc, des notes mélancoliques façon Bach et Satie, au confluent de la chanson française, de la pop cristalline et même… du rap, le temps d’Amours gothiques, un titre où il s’est ménagé des espaces parlés pour renouer avec sa passion de jeunesse.
Avec ce premier album, LE NOISEUR se balade sur une carte du tendre dont il ne sait plus lire le plan. « Toi et moi, c’est pour la vie. Même si c’est une belle connerie » lance-t-il pourtant dans un éclair de lucidité dans Du bout lèvres. Mais très vite, la réalité le rattrape. Et sur l’écran noir de ses nuits blanches défilent d’autres pensées. La peur des lendemains qui déchantent dans Si petite : « Tes mots sont à bout de souffle. On doit être en fin de course ». Le regret d’avoir vu le mot fin s’inscrire trop rapidement au générique de son tandem amoureux dans Défile : « De ta voix douce au bout du fil, De tes soupirs que reste-t-il ? » ou dans Sexual tourism, chronique du temps joyeux où leur passion semblait insubmersible : « Comme un goût de déjà vu, Paris ne nous ressemble plus ».
Du bout des lèvres est une ode à la mélancolie. Qu’elle soit tourmentée ou tendre. Qu’elle fasse remonter à la surface des souvenirs douloureux ou des instants de bonheur inaltérables. Cette mélancolie qu’il qualifie tour à tour lui- même dans… Mélancolies de délicieuse, lumineuse, amoureuse, douloureuse, vertigineuse, courageuse, silencieuse, ténébreuse et éternelle. Une mélancolie qui s’en va aussi arpenter le terrain familial le temps du bouleversant La maison d’Etretat où il convoque le souvenir d’une grande- mère justement peu à peu égarée elle-même dans ses propres souvenirs. « Là où se trouble ton regard, Lorsque j’écris à ta mémoire, A ta mémoire qui ne reviendra plus, Nous sommes chez toi mais tu ne le sais plus ».
Et puis, avant de quitter la scène avec élégance, LE NOISEUR nous offre Loin de vous. La chanson la plus personnelle du disque à ses yeux, celle où il se livre à cœur perdu. Sans pudeur, vraie ou fausse. Il y chante qu’il est parti « loin, loin de vous, vivre avec les chats ». Mais ses mélodies et ses textes restent pour continuer à nous parler de lui. Du Bout des lèvres est un album qui se déguste les larmes au bord des yeux et un sourire timide au bord des lèvres. Et on imagine volontiers un Truffaut choisissant ces chansons pour accompagner un nouvel épisode des aventures d’Antoine Doinel et de ses emballements amoureux. Parce ce que oui, décidément, les histoires d’amour qui finissent mal donnent naissance à des chansons qui font du bien.

EN CONCERT

25/06/14 : Paris (75) – Les Trois Baudets (Soirée Sacem)
11/07/14 : La Rochelle (17) – Les Francofolies de La Rochelle (1ère partie de Dick Annegarn)

EP « 24 x 36 »

Sortie digitale le 26/05/2014

Tracklisting :
24x36
Loin de vous
Loin de vous (Saint Michel Remix)