L’histoire de la carrière de Marina Kaye fait partie de celles qui auraient pu ne jamais être racontées. Enfant timide, se qualifiant elle-même de « différente », elle ignorait qu’elle savait chanter jusqu’à ce qu’une de ses amies ne le lui fasse remarquer. Elle se souvient : Quand j’avais 11 ans, j’ai invité des amis à faire un karaoké chez moi et j’ai commencé à chanter « Russian Roulette » de Rihanna. Une de mes amies est devenue dingue. Elle m’a dit : « Ok, arrête-toi, il faut que je prenne ma caméra pour t'enregistrer ». Je lui ai demandé pourquoi, et elle m’a répondu : « Mais enfin, tu ne te rends pas compte à quel point tu chantes bien ? ».
Jusqu’alors, Marina ne se « doutait pas » de la puissance de sa voix, ni de ce que la vie allait faire d’elle : une chanteuse. L’année d’avant, elle s’était mise à chanter « juste comme ça », s’enfermant dans sa chambre d’enfant à Marseille pour s’entraîner. Personne n’avait le droit de m’écouter. J’étais très très timide par rapport à ça. Je ne savais même pas que je chantais juste. Je pensais que tout le monde était capable de faire ce que je faisais.
Cette révélation a été le premier chapitre de l’histoire de Marina. La suite a pris la forme d’un succès éclair après que son amie ait insisté pour que Marina s’inscrive à La France a un incroyable talent, qu’elle remporte à l'âge de 13 ans. Un an plus tard, elle signait avec TGIT Music pour préparer son premier album.
En 2015, elle fait ses débuts avec le single « Homeless » qui sera numéro 1 des ventes en France. Ce sera également le cas de son premier album, Fearless, qui fut rapidement certifié triple disque de platine et qui lui permettra d’assurer des centaines de concerts alors qu’elle était encore adolescente. Aujourd’hui, la chanteuse a atteint plus de 90 millions de vues sur sa chaîne YouTube, l’amenant à collaborer avec des artistes comme Sia – qui écrit la chanson « Freeze You Out » pour elle -, Thirty Seconds to Mars, Florent Pagny ou encore Lindsey Stirling.
A 22 ans et pour le nouveau chapitre de son histoire, Marina propose une pop plus sombre. Sa voix - puissante et harmonieuse – se fait plus pop et théâtrale que dans ses précédents albums, un atout pour la parolière qu’elle est aussi. Chez elle, chanter et écrire vont de pair pour canaliser ses émotions et exprimer ce qu’elle appelle sa « personnalité complexe ». Mais ses chansons sont aussi là pour aider les autres. J’ai l’impression que la musique me donne ce pouvoir. Pendant de nombreuses années, j’ai moi-même eu honte de certains aspects de ma personne, déclare Marina. Je trouve ça génial de pouvoir écrire quelque chose de personnel dans lequel les autres pourront aussi se reconnaître.
La toile de fond sur laquelle Marina tisse ses nouvelles histoires s’est encore enrichie sur son troisième album, qui fera suite à Explicit, déjà disque d’or. Le sens de son travail se dévoile à travers un ensemble de métaphores. C’est très important pour moi d’écrire à propos de choses que j’ai réellement vécues, dit Marina. Je ne peux pas chanter à propos de ce que je ne connais pas. Si elle chante en anglais, c’est parce qu’elle adore cette langue avec laquelle elle peut jouer. Je n’essaie jamais d’être quelqu’un d’autre, mais quand on chante dans une langue qui n’est pas la sienne, j’ai l’impression que c’est quand même un peu le cas. Quelque chose à cacher, peut-être ? Mes chansons sont toujours très personnelles. Si vous arrivez à lire entre les lignes, si vous écoutez mes chansons très attentivement, vous pourrez tout savoir de moi.
Pour Marina, cet album est celui de la maturité, après le succès de Fearless et son deuxième album Explicit. On y entend Marina travailler et expérimenter sa voix comme un instrument à part entière, puisant parfois son inspiration du côté du R’n’B et de l’électro, sans jamais oublier de proposer des ballades pop comme autrefois.
Sur « Scream », par exemple, les envolées lyriques couvrant toute la gamme forment l’armature secrète de la chanson. Marina y laisse s’affronter les différents aspects de sa personnalité comme sur un champ de bataille : « So scream louder / ain’t nobody gonna hear you / these walls are thicker than a bullet proof door / So scream louder / you’re the one that done fucked up / and now you’re gonna pay the price and some more » (« Vas-y, crie plus fort / Personne ne pourra t’entendre / Ces murs sont plus épais qu’une porte blindée / Vas-y, crie plus fort / C’est toi qui a fait a fait n’importe quoi / Et maintenant tu vas en payer le prix et plus encore »).
Dans « Twisted », on entend la chanteuse dire à « un garçon, une fille, n’importe qui », qu’il ne faut pas s’approcher trop près d’elle, « car j’ai ce côté tordu en moi qui finit toujours par tout détruire. » En disant : « I’m not a sad girl, i’m not a bad girl » (« Je ne suis pas une fille triste, je ne suis pas une mauvaise fille »), Marina tord le cou à quelques idées toutes faites, nées de l’exposition médiatique de ses jeunes années. Je ne suis pas froide, je ne suis pas triste, je ne suis pas mauvaise, dit-elle en référence à sa chanson. Son personnage introverti a conduit le public à la percevoir comme quelqu’un qu’elle n’est pas. J’essaie juste d’être aussi vraie que possible, dit-elle.
Marina est née à Marseille en février 1998. La musique a toujours occupé une place importante dans sa vie. Elle adore Prince, son artiste préféré, ou encore Bruno Mars et Katy Perry, qui font désormais partie de ses influences majeures. Katy Perry et moi n’avons rien en commun musicalement mais je l’adore. Je trouve qu’elle fait partie de ces artistes qui ont véritablement créé leur propre univers musical. C’est difficile d’en faire autant, dit-elle. Les années que Marina a passées au collège à Marseille ont été très studieuses. Elle excellait en langues, en histoire et en sciences. Je voulais être oncologue mais le fait de devenir chanteuse est probablement la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. Je ne pense pas que j’aurais pu faire médecine, je ne m’en sortais pas en maths à ce moment-là !
La suite lui a donné raison. « Homeless », son premier single qui traite avec beaucoup d’émotion de l’identité et du sentiment d’appartenance, ou plutôt celui de la non-appartenance (extrait de son EP de 2014 du même nom) a permis de la faire largement connaître en France. À ce jour, le clip a été visionné plus de 41 millions de fois sur YouTube et le morceau est resté dans le Top 10 des titres les plus diffusés tout au long de l’année 2015. Un an plus tard, Marina était Numéro 1 des téléchargements avec son album Fearless, qui a aussi été élu Album de l’année par RTL.
Malgré de tels succès, dont la sortie de deux albums avant l'âge de 19 ans, Marina considère son troisième disque comme étant son premier. Cet album, c’est moi. Quand je me suis lancée dans la musique, je n’avais jamais rien fait auparavant et la seule chose dont j’étais sûre était que je voulais chanter et exploiter la puissance de ma voix au maximum. Je ne peux pas dire que je savais exactement ce que je faisais à l’époque, j’étais encore en train de me chercher.
En ce qui concerne le succès de « Homeless », j’ai eu de la chance. Et je définirais plus le deuxième album Explicit, comme une transition pour moi. Mais maintenant j’ai 22 ans et je sais ce que je fais. Je sais exactement où je veux aller. J’essaie de nouvelles choses, comme sur « Twisted ». Cette chanson est tellement différente, avec des sons si particuliers.
La voix de Marina reste toutefois la pièce maitresse de tous ses morceaux, qui ont été pour la plupart co-composés avec les londoniens Jessica Agombar et David Stewart. Marina n’étant pas du genre à laisser ses idées lui échapper, elle s'efforce de les enregistrer sur son téléphone pour pouvoir ensuite les transformer en chansons. Une fois que j’ai assez de contenu autour d’un même thème, je vais au studio et je me mets à écrire avec une autre personne. Généralement, j’arrive avec une idée et une histoire très précises en tête. Je sais exactement ce dont je veux parler. Elle insiste sur le fait que son travail est consacré à l'écriture « des paroles, non de la mélodie ». La couleur musicale, qui emprunte parfois des éléments aux musiques d’ambiance des films d'horreur et des jeux vidéo, est élaborée par la suite afin de mettre en valeur sa voix et ses histoires. Il s’agit donc d’une démarche vraiment collaborative, adaptée au paysage pop du 21ème siècle.
Bien que les chansons de Marina soient des réflexions personnelles sur sa vie et son identité, sa musique ne s’adresse pas qu’à elle. Au début, j’écrivais de manière très égoïste. C'était juste pour moi. J’avais besoin de me débarrasser de toutes ces choses en moi. Il m'arrivait d’employer des mots très, très durs … Mais à présent j'essaie de faire plus attention, dit-elle.
Maintenant, je me dis seulement « Bon, il faudrait que j’écrive des chansons qui donneront aux gens le sentiment d’être plus forts et qui pourront leur permettre de se sentir mieux dans leur peau, d’arrêter d’avoir honte de qui ils sont ». Ça peut avoir l’air bidon, mais cette génération a énormément de mal à s’aimer soi-même ; c'est très dur d’arriver à croire qu’on vaut quelque chose.
Si la mission de Marina est de représenter les individus « différents » et « timides » dont elle fait partie, et d’évoquer des situations auxquelles ils pourront s’identifier grâce à une musique qui aide les gens à se sentir mieux et à rechercher les points positifs de la vie, alors elle considère qu’une partie de son travail a été accomplie. Si je n’avais pas l'impression d'avoir quoique ce soit d’intéressant à dire, je ne ferais pas d’album, dit-elle. Je ne recherche pas la célébrité. Je veux juste partager mes histoires avec les autres et j’ai envie d’écrire à propos de choses réellement personnelles.
L’histoire musicale de Marina ne s'arrête pas là. A vrai dire, elle n’en est qu’à son début ; le début d’une histoire qui n’a pratiquement pas été racontée jusqu’à lors.