En concert au Bataclan les 11 et 12 oct 2010 !

MORCHEEBA
BIO par Andy Gill

Comme un certain fabricant de boissons non alcoolisées l’a découvert peu après avoir modifié la recette sur laquelle était bâti son empire, il faut parfois accepter le fait que certaines choses sont meilleures si on les laisse comme elles l’ont toujours été, et simplement ne pas y toucher. Réjouissez-vous, donc, du retour bienvenu dans Morcheeba de la chanteuse Skye Edwards, dont les retrouvailles avec Paul et Ross Godfrey sur le nouvel album du groupe, Blood Like Lemonade, permettent de redécouvrir l’inimitable charme décontracté qui a fait d’eux les piliers de bien des chill-out.

"Ce que Morcheeba a toujours essayé de faire, c’est le disque que nous n’avons pas encore dans notre collection," explique Ross Godfrey, le guitariste du trio et multi-instrumentiste aux talents divers. "Je peux rentrer du pub et passer des heures à fouiller dans des milliers de vieux vinyles en essayant de trouver le disque parfait pour l’instant présent, et c’est toujours celui qui nous voulions faire nous-mêmes, avec ce son défoncé de trois heures du matin, comme un nuage de psychédélisme chaud et distordu."

Blood Like Lemonade est l’album qu’ils ont cherché toutes ces années, qui saisit l’essence de classiques précédents comme Who Can You Trust? et Big Calm, et la transporte dans de nouveaux lieux exotiques. Au cœur même de ce disque, on retrouve les grooves trip-hop lents et rayonnants qui sont la marque du groupe, embellis d’étranges et fascinants ornements amenés par la sanza africaine de 'Even Though', le sitar et l’harmonica blues de 'Mandala', et le carillonnement de guitare folk déjantée de 'I Am The Spring', sur lesquels se pose la voix intimement soul de Skye. C’est aussi à la fois leur album le plus introspectif, avec des chansons qui éclairent la situation personnelle du groupe, et le plus tourné vers l’extérieur, avec les textes de Paul Godfrey qui suivent des personnages en terrain inconnu : le vampire vengeur de 'Blood Like Lemonade', l’astronaute abandonné de 'Even Though', l’hôtesse d’un dîner se transformant en meurtrière de 'Recipe For Disaster', les explorateurs Vikings de 'Beat Of The Drum'.

Tout cela contribue à en faire l’album le plus satisfaisant d’une carrière qui entre maintenant dans sa quinzième année, commencée quand Morcheeba a esquissé pour la première fois le modèle du trip-hop avec son premier album, Who Can You Trust ? Un voyage qui a emmené les frères Godfrey de leur Kent natal jusqu’au Brésil et à la Chine où ils se sont produits devant 60 000 fans extatiques, et qui leur a permis en chemin de jouer avec des héros de la musique comme Big Daddy Kane, David Byrne, Kurt Wagner et Slick Rick. Mais après quatre albums à succès, les frères et Skye se sont séparés, cette dernière se lançant dans sa propre carrière solo, travaillant avec des producteurs comme Daniel Lanois et Gary Clark pour son premier album, "Mind How You Go", et Ivor Guest pour son second, "Keeping Secrets". Cependant, ses remplaçants n’arrivaient pas à satisfaire les critères astreignants des frères Godfrey, et pour son sixième album, Dive Deep, Morcheeba n’était en réalité plus qu’un duo avec une série de chanteurs invités. Mais les pressions constantes visant à répondre aux demandes de l’industrie musicale avaient fait des ravages, et il semblait bien que ce soit la fin du groupe, Paul déménageant dans le sud de la France pour y trouver la tranquillité, et Ross se rendant à Hollywood pour y travailler sur des musiques de film, terminant récemment la bande originale du nouveau film de Steven Soderbergh, The Girlfriend Experience.

"On a toujours pensé qu’on retravaillerait avec Skye," dit Ross. "Quand on a fait les quatre premiers disques, on savait que c’était une formule magique, mais au bout d’un moment on a voulu faire un break, et Skye voulait faire son propre disque, parce que travailler dans un groupe peut être assez contraignant. Puis il y a environ six mois, je suis tombé sur elle à Londres et j’ai suggéré qu’on se voie et qu’on discute de l’enregistrement d’un nouveau disque. J’avais écrit quelques morceaux de musique, Paul et moi avions fait ensemble quelques séances d’écriture, donc nous lui avons envoyé des trucs sur lesquels on avait travaillé et elle leur a trouvé des mélodies. Quand on l’a entendue chanter sur nos instrumentaux, c’était magique – il y a une atmosphère bien précise qui naît quand on travaille tous les trois ensemble, une combinaison de choses inquantifiables. Ça nous est tellement personnel, c’est une part tellement importante de nos vies, que ça nous émeut. Après, tout a fonctionné de façon très naturelle."

"C’est vraiment Ross qui a mené toute l’affaire," explique Paul. "J’ai déménagé ici, en France, en semi-retraite après Dive Deep, pour être tranquille et travailler sur de la musique pendant mon temps libre. Ross était parti à Hollywood pour devenir compositeur de musiques de film, mais il a plus ou moins fait demi-tour et il a voulu réunir le groupe des débuts, ce qui s’est avéré assez compliqué pour nous, il y avait beaucoup de problèmes à surmonter. Manifestement, on avait considérablement foutu Skye en rogne par le passé, alors il y a eu beaucoup de choses à régler. La vérité, c’est qu’on l’a fait pour l’héritage du groupe, et pour les fans. On est devenu de plus en plus conscients qu’un grand nombre de jeunes fans venaient tout juste de découvrir Morcheeba, et qu’ils apprenaient que le groupe n’existait plus vraiment sous cette forme-là. Il devenait donc important qu’on se reforme, de façon authentique, pour cette raison. Ce n’était pas comme si on devait payer d’énormes impôts ou quoi que ce soit de ce genre, ça nous semblait simplement être une bonne chose de revenir et de rendre hommage à notre carrière et à nos fans, de mettre nos différends personnels de côté et de reprendre l’histoire où elle s’était arrêtée."

Mais il y avait aussi des problèmes logistiques à surmonter, dont les moindres n’étaient pas ceux causés par le fait de vivre si loin les uns des autres. Les enregistrements en cours faisaient l’aller-retour entre la France, Hollywood et le Surrey, prenant forme peu à peu. "C’était totalement cool de travailler à nouveau avec Paul et Ross," dit Skye. "On ne s’est pas vu tant que ça, parce qu’on enregistrait séparément : on a loué du bon matériel d’enregistrement, Ross est venu chez moi dans le Surrey pour me montrer comment l’utiliser, et après ça j’ai simplement continué. Ils m’envoyaient des instrumentaux, je les chargeais dans Garageband et je trouvais des mélodies, je les renvoyais à Ross et Paul, qui écrivaient des textes sur ces mélodies et me les renvoyaient pour que je les chante. Sur mes albums solo, j’écrivais mes propres textes, mais avec Morcheeba, je dois juste trouver les mélodies, c’est ce que je sais faire le mieux, je laisse les textes à Paul. Parfois il me demandait comment je voyais une chanson, si j’avais une histoire en tête, et il écrivait un texte autour de cette histoire. C’était une vraie collaboration."

Parmi les titres préférés de Skye sur le nouvel album, il y a 'Crimson', qui parle de l’amant d’une femme mariée qui, pour mettre fin à leur affaire, tente de les tuer tous les deux en voiture; et 'Recipe For Disaster', dans laquelle une femme aimant la bonne cuisine tue son partenaire quand il se pointe saoul pour le dîner. "Je peux vraiment m’identifier à celle-là – pas que je sois une meurtrière potentielle ou quoi que ce soit de ce genre !" dit-elle. "Mais ça aide, d’avoir un personnage qu’on puisse incarner, plutôt que de juste lire les mots sur la feuille. J’aime aussi 'I Am The Spring', et tout particulièrement 'Easier Said Than Done', même si elle est difficile à chanter. A l’origine, le texte faisait 'Je sais que je dois lâcher prise', mais j’ai demandé si on pouvait le changer en ‘Tu sais que tu dois lâcher prise’, et c’est devenu beaucoup plus facile à chanter."

"Ross a enregistré des guitares chez lui, à Hollywood, et Skye a enregistré ses parties vocales chez elle, dans le Surrey, puis tout a été rassemblé ici," explique Paul dans son home studio français. "Je l’ai même masterisé ici moi-même, c’est quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant. C’est juste un TOC, mon besoin d’apprendre, en m’offrant le luxe de maîtriser chaque étape du processus. Si tu suis quelque chose du début à la fin, tu peux en apprendre beaucoup sur chaque étape. Le mastering a longtemps été un processus quasi mystique, tout spécialement à l’époque du vinyle où il était si important."

"Par le passé, on était dans des choses si différentes qu’on ne pouvait pas faire tenir toutes nos idées sur un seul disque," ajoute Ross. "Mais cet album a été une affaire beaucoup plus détendue, on n’était pas en train d’essayer de prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. C’était presque comme quand on a fait le premier album, Who Can You Trust?, parce qu’à l’époque on n’était signé sur aucun label et on ne connaissait pratiquement rien au music business. Et, en raison de l’effondrement quasi-total de l’industrie musicale, on a pu faire ça à nouveau, travailler dans nos foyers respectifs sans aucune pression."

La situation changeante de l’industrie musicale, pense Ross, est à la fois un problème et une opportunité. Quand Paul et lui ont commencé à jouer dans des groupes de R&B, il y avait une scène florissante de fêtes de collèges, de bars et de clubs qui pouvait permettre à un jeune talent de se développer. "Mais ça a été tellement marginalisé qu’à moins d’aller à la Brits School (école d’arts de la scène liée aux Brit Awards, NdT) ou à The X Factor, tu n’as même plus la possibilité d’essayer. Et les gens qui font de la vraie bonne musique, authentique, ne veulent tout simplement pas en passer par là." D’un autre côté, la faillite en cours des vieilles méthodes de l’industrie musicale a libéré les musiciens du genre de demandes du business qui avaient conduit Morcheeba au bord de la dépression. "Maintenant que la machine du music-business n’existe plus, la musique est devenue beaucoup plus locale," pense-t-il. "Ça ressemble beaucoup plus à une expérience personnelle. Ce qui t’évite d’avoir à penser en termes démographiques - à qui convient ta musique, ce genre de trucs – tu fais juste de la musique pour le plaisir, ce qui est vraiment rafraîchissant. Donc, c’est super de se retrouver avec Skye et de faire un album pour l’amour de la musique, plutôt que de voir les gens autour de nous penser qu’on est juste en train de faire du fric. C’est plus comme un travail artisanal à domicile." Ce qui est étrange, ajoute-t-il, c’est à quel point il a été ramené à d’anciennes façons de faire et de penser, alors qu’opérait la magie du son classique de Morcheeba : "Je n’avais pas vraiment beaucoup fumé de shit ces cinq ou six dernières années – mais soudain, en faisant ce disque, je fumais toute la journée. C’est le secret!"

Avec Blood Like Lemonade prêt à sortir en juin, la suite de l’ordre du jour concerne les dates de concert prévues pour l’été et l’automne, pour lesquelles Ross et Skye sont actuellement en train de répéter avec le groupe de tournée de Morcheeba. "Morcheeba est comme un tipi, il a besoin de nous tous pour constituer la structure qui le soutient," explique Ross. "Paul finit par effectuer la majeure partie du travail en studio, tandis que Skye et moi, on s’occupe de presque tout ce qui concerne la scène."




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