Le premier album de You and You, Keep It Safe, est une petite merveille nourrie au folk américain et à la pop anglaise, avec une pointe de soul. Ses titres emprunts du parfum de l’enfance, de désirs d’évasion et d’ambiances oniriques surréalistes, sont magnifiquement portés par la voix attachante et chargée d’émotion de Felix Perez, et par de chaleureux arrangements boisés. Ils s’insinuent en vous en douceur, insidieusement, profondément, pour ne plus vous lâcher, loin de toute esbroufe superficielle ou d’un quelconque phénomène de mode.
Désireux de ne pas se cantonner à un style unique, Felix est ouvert à toutes les influences, curieux de toutes les musiques : « J'aime le mélange des genres, ouvrir des portes et voir ce qu'il y a derrière, m’essayer à différents styles. D’origine espagnole, d’une famille modeste de l’ouest parisien, j’ai fréquenté le lycée international et grandi en ayant la chance de côtoyer des gens et des cultures du monde entier, ce qui m’a ouvert l’esprit. Ça se retrouve dans ma musique. Je veux rassembler, fédérer, je n’ai pas peur de mélanger reggae et pop, funk et folk, rock et groove. »
Il cite ainsi parmi ses influences de grands noms de la pop et du rock (John Lennon, Jeff Buckley), du folk (Bon Iver, Feist, The National) ou de la soul (Bill Withers, Marvin Gaye), mais sans revendiquer aucune étiquette : « Le plus grand compliment qu’on pourrait faire à ma musique serait de ne pas pouvoir la classer. Mon premier album est plutôt orienté folk rock, mais mes nouvelles chansons sont plus soul. Je me lasse assez vite, je n’aime pas être catalogué. Un mec comme Beck me fascine, on ne sait jamais ce qu’il va faire, du hip hop, du rock, du folk, et personne ne s’en étonne. Il s’est octroyé la liberté de faire ce qu’il avait envie, sans jamais décevoir. Demain, s’il fait un duo avec un rappeur, tout le monde va trouver ça normal ! »
Le parcours musical de Felix est à l’image de cet éclectisme. Il a commencé par… le metal : « plus par opportunité que pour le style, pour être dans un groupe. Même si j’aimais bien crier dans un micro ! Adolescent, j’écoutais beaucoup de grunge, Nirvana, Pearl Jam, Alice in Chains… »
Puis il a fait partie d’un groupe de rock indé, Clint, avant de se lasser du travail en commun, des guerres d’influence, et de se lancer en solo : « Je voulais écrire ma musique. J’ai toujours eu une guitare, c’est venu comme ça. Et puis des Américains comme Stufjan Stevens ou Iron and Wine sont arrivés, et ce que je composais à la guitare se rapprochait un peu de cet univers-là. Voir que la musique que j’avais en moi existait déjà m’a donné confiance dans le fait d’être auteur-compositeur. »
L’émergence de cette nouvelle génération, ce « retour du folk » dont on a beaucoup parlé ces dernières années (il n’était pas parti très loin), lui a aussi permis de redécouvrir des artistes plus anciens comme Neil Young ou Paul Simon, mais aussi Bill Withers (dont il reprend fréquemment le fameux « Ain’t No Sunshine » sur scène) et la grande musique noire américaine.
En 2008, Felix se lance dans l’aventure You and You, projet de groupe dont il est le seul membre permanent : « Je cherchais un nom qui symbolise quelque chose de rassembleur, qui puisse réunir des gens d’horizons variés. J’ai vu cette affiche, I Want You, j’ai tourné autour de ça. Je me suis dit que You and You avait une part de mystère, le you veut dire tu ou vous, il traduit cette volonté de ne pas se restreindre à un public, d'aller chercher les gens dans ce qu'ils sont à l'intérieur d’eux-mêmes. »
Depuis le début, il écrit ses textes en anglais. Enfant d’immigrés espagnols, il n’a jamais eu une culture de chanson française et a découvert la musique avec les anglo-saxons : « Pour moi, l’anglais était naturel, c’est la musique que j’ai toujours écoutée… et puis je suis bilingue, c’était une évidence. »
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You And You « Keep It Safe » Sortie Juin 2013 – Sophiane Productions / [PIAS] Le Label
Tout démarre assez vite, le groupe enchaîne des petits concerts dans des bars et des premières parties de renom (Alela Diane, Yodelice, Hugh Coltman, Moriarty, Revolver, Hindi Zahra, Gush, Piers Faccini, Asaf Avidan, Meshell Ndegeocello) dans des salles aussi prestigieuses que la Cigale ou le Trianon, ainsi que dans des festivals comme les Eurockéennes. En 2010, il publie un premier E.P. de 5 titres, « Songs, Stories and Magic Tricks », qui lui permet de remporter le F.A.I.R., ainsi que d’être invité à TARATATA, pour une interprétation remarquée du titre « Bye Bye ».
Pour surfer sur cette vague de réussite, You and You a besoin d’un album. Félix est présenté au réalisateur Denis Clavaizolle, compère historique de Jean-Louis Murat, qui a également travaillé avec Alain Bashung et, plus récemment, avec Cocoon : « On sentait que ça pourrait coller. J’ai rencontré Denis, on a parlé de choses et d’autres, d’enregistrement, des sons que j’aimais. L’album s’est construit comme ça, naturellement, avec les musiciens qui m’accompagnaient sur scène. Denis a joué tous les claviers. » Une fois le disque entièrement produit en indépendant, le rêve continue. Kenny Gates, le patron de [PIAS], assiste à un concert du groupe en Belgique et, conquis, le signe immédiatement en licence.
Le résultat est impressionnant de naturel et de grâce. On y retrouve les cinq titres du EP, notamment le fameux « Bye Bye », avec sa guitare et son banjo évoquant Neil Young, sa mélodie entêtante et ses belles harmonies vocales, qui sera le premier single extrait de l’album : « C’est l’une de mes chansons les plus blues folk traditionnel au niveau de l’orchestration, du gimmick de guitare, un peu dans la lignée d’un Moriarty. »
D’autres titres, comme « Crawling », avec ses entrelacs de guitares, sont beaucoup plus rock, tandis que « No River in the Sun » est une sorte d’hommage pop, « entre les Beatles première période et R.E.M. ». Plusieurs chansons, comme « A Brand New Son » ou « Wasted Mind », évoquent, par leurs textes comme par leurs musiques flottantes, un univers onirique proche de celui des surréalistes, une influence très présente dans la psyché de Felix : « Ça vient d’un mélange entre mes origines et mon parcours universitaire littéraire. Le surréalisme, notamment le surréalisme espagnol, est une période de l'art dans laquelle je me reconnais. L'écriture automatique d'un Aragon, le fait de laisser l'inconscient prendre le dessus sur la réflexion, me parle énormément. C’est comme ça que j’écris mes textes, en partant de sonorités. »
Le rêve et l'enfance sont des thèmes importants pour Felix. Dans « The House on the Moon » qui clôt l’album, un homme dit au revoir à son enfance, tout en se donnant rendez-vous à lui-même lorsqu’il sera vieux. Dans « Rainbow », superbe single potentiel au swing léger et aux discrets cuivres jazzy, le jeu amoureux, enfantin, est une invitation à la danse : « La volonté de voir le monde avec des yeux d'enfants rend les choses plus faciles quand il s'agit de retranscrire de façon onirique ce que l'on voit, ce que l'on ressent. Comme les tableaux de Dali ou les films de Buñuel, qui me parlent sans que j’aie besoin de réfléchir. »
Keep It Safe, est ainsi une formidable invitation au voyage, à l’évasion, au rêve. Onze chansons d’une beauté pure et intemporelle, légères comme l’azur, prenantes comme une histoire d’amour ; d’une telle richesse qu’il ne peut que marquer le début d’une grande oeuvre.